L’un, journaliste, chroniqueur et animateur très connu, a une grande gueule qui l’a mené loin. L’autre, au nom moins connu que sa chevelure, animateur à la langue bien pendue, a une belle gueule et cela ne lui a pas nui. Ensemble, ils forment un tandem chic de choc, chouette duo séparé le temps d’une rencontre au début de l’été. Question de les interroger chacun de leur côté pour vérifier à quel point leurs violons sont accordés.
Patrick Lagacé, ou Pat, comme tout le monde l’appelle, m’a donné rendez-vous À l’aventure, resto du Vieux-Montréal où il a ses habitudes.
La veille, j’avais rencontré Jean-Philippe Wauthier, ou J-P, comme l’appelle tout le monde, au Dépanneur Café, dans le quartier Mile-End où il vit avec Gaston, un carlin qui possède son compte Twitter (@gastonwauthier, 271 abonnés et 50 tweets). Note : on prononce « vauthier » au Québec et « wautchier » en Belgique, pays natal du grand-père de J-P.
J-P Gaston est fabuleux. Le chien le plus cool de la Terre.
Pat Je le trouve affreux. Comme je dis souvent : « T’aurais pas pu acheter un chien qui n’a pas l’air d’un accident de char ? »
Avant d’aller plus loin, retour sur le titre de leur « magazine socioculturel éclaté et irrévérencieux, où aucune question ne sera taboue », dixit le communiqué de presse de Télé-Québec. Deux hommes en or lance bien sûr une œillade à un film qui a marqué notre cinématographie. Écrit et réalisé par Guy Fournier en 1970, Deux femmes en or raconte l’ennui de deux banlieusardes, Fernande (Monique Mercure) et Violette (Louise Turcot), délaissées par leurs maris et qui tuent le temps en s’envoyant en l’air avec des hommes qui passent (dont Gilles Latulippe !). Surfant sur la vague des « vues cochonnes », cette comédie a fait courir les foules et imprégné l’imaginaire de nombreux ados…
Pat (nostalgique) Le film passait périodiquement à la télé et, quand t’as 13 ans, tu ne rates pas une occasion de voir des seins.
J-P (songeur) J’ai vu le film il y a longtemps. Je me rappelle certaines scènes avec Louise Turcot, pour diverses raisons…
Une des phrases les plus célèbres de Deux femmes en or est : « Faut en profiter pendant qu’on est désirables, tu trouves pas ? » D’accord ou pas ?
J-P (aucune hésitation) Tout à fait. Ça me parle. Oui, faut en profiter.
Pat (rit, esquive la question, fouille dans ses frites, mais j’insiste.) Je pense que oui. J’ai 41 ans, j’ai un fils de 7 ans, je ne vis plus avec sa mère. Je fais du vélo, je fais attention à ce que je mange. À 50 ans, je sais que j’aurai la peau plus flasque. Mais ma génétique est pas pire pour les cheveux.
Parlant de cheveux, c’est quoi cette histoire autour de la tignasse de J-P ?
Pat Souvent, quand je parle de lui, les gens disent : « Ah oui, le gars avec les cheveux. » Ils tiennent comment ? Aucune idée. J-P est très fashion, totalement métrosexuel. Gai ? Oui, j’ai entendu la rumeur, mais je confirme qu’il ne l’est pas.
J-P À 14 ans, j’avais peur de devenir chauve parce que mon père l’était – il l’est encore. Mes cheveux sont devenus ma marque de commerce, j’aime ça. Ça tient comment ? Je prends de la poudre, je fais ça [il fait semblant de se frotter les cheveux]. C’est tout.
Vous assumez l’aura olé olé du titre ?
J-P (sourire crasse) Oui.
Pat (sérieux) Ça donne le ton. Il y aura des allusions sexuelles, comme dans le segment « Le trip à trois », quand J-P et moi ferons des entrevues ensemble. Mais, je te rassure, il n’y aura pas de nudité.
Vous avez tourné un pilote en novembre dernier, avec Nathalie Petrowski, une sexologue, Gabriel Nadeau-Dubois… Un montage a été posté dans Internet. J’ai pas trouvé ça très irrévérencieux…
Pat On a dû faire des entrevues dans un contexte intemporel, avec des gens à qui on n’avait rien à reprocher. Irrévérencieux, ludique, ce sont des mots de documents de présentation. On le sera un peu. Je ne crois pas à la déférence devant le pouvoir.
J-P Il n’y avait que 10 minutes en ligne, mais on a tourné une heure et demie. Il y avait des bouts un peu edgy. Va falloir trouver la bonne façon. À La soirée est (encore) jeune [émission caustique qu’il anime à la Première Chaîne de Radio-Canada], on pose n’importe quelle question et on se fait répondre. C’est ce qui donne de la bonne radio. On s’attend à ce que la balle revienne. Dans Deux hommes en or, on va être irrévérencieux dans la manière de demander, de dire les choses. Pat, c’est un pitbull, il mord. Moi aussi, mais je peux avoir l’air cute.
Quels rôles aurez-vous dans l’émission ?
Pat Lui dit que je suis un pitbull, mais je me vois plutôt comme un labrador, un chien fou avec un côté givré. J’ai tout de même fait des reportages aux Francs-tireurs pendant huit ans dans un certain style, je ne vais pas changer et devenir Serge Laprade. Mais on va être en ondes le vendredi soir : les gens veulent se détendre. Je ne peux pas commencer en mordant le mollet d’un invité et en partant avec un morceau de muscle…
J-P Pat est journaliste ; moi, je suis plutôt entertainer. Je ne chante pas, c’est tout ce qui me manque. Je me sens imposteur quand je me dis humoriste.
Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?
Pat Je ne sais plus. Je le connaissais comme on se connaît tous dans ce milieu. Puis, le projet de l’émission est né et, quand est venu le temps de trouver un coanimateur, j’ai pensé à lui. Il n’y a jamais eu d’autre candidat. Je trouve qu’on se complète.
J-P Honnêtement, non. Je pense qu’il est venu au Sportnographe [émission radio de 2009 à 2012 qui a fait connaître le style caustique – décidément ! – de J-P]. On s’est vus une couple de fois, dans des partys. Je le lisais dans Le Journal de Montréal, puis La Presse. J’aime sa plume. C’est lui qui m’a approché pour la coanimation. Je sais qu’il a dit qu’il ne voyait personne d’autre que moi. C’est très flatteur.
À sa dernière présence aux Francs-tireurs, Pat, interviewé par Richard Martineau, lui a révélé qu’il avait reçu des photos d’admiratrices en bikini. Ce qui nous amène à aborder la notoriété…
Pat Faire de la télévision, c’est un choc. Soudain, tu deviens plus drôle, plus intelligent, plus beau. Alors que ce n’est pas vrai, t’es juste dans la télé. Donc, tu reçois des propositions de filles qui, quand tu ne faisais qu’écrire dans le journal, avec une petite photo, ne voulaient rien savoir. Oui, j’ai eu la tête enflée. Avec le recul, je me rends compte que c’est presque inévitable.
J-P Je ne suis pas rendu là et je ne pense pas me rendre là. Je ne suis pas encore une vedette. Quand tu travailles à Télé-Québec [il y a animé pendant deux ans La une qui tue] et à la radio de Radio-Canada, t’es pas mal sous le radar. Là, avec Deux hommes en or, ça va changer un peu, j’imagine. Mais je n’ai pas d’attentes envers les photos de filles en bikini. Si ça m’arrive, fine.
Vous venez de milieux différents…
J-P J’ai grandi à La Baie. Mon père est directeur au Bureau des affaires publiques de l’Université du Québec à Chicoutimi, ma mère enseigne le français aux adultes. Mon parrain, Louis Wauthier, est le chorégraphe de La fabuleuse histoire d’un royaume, spectacle dans lequel j’ai joué un prince quand j’avais huit ans. J’ai dansé aussi, mais je danse très mal et mon parrain avait honte. Faire de la télé, ce n’était vraiment pas dans mon champ d’horizon. La diplomatie m’intéressait. Après ma maîtrise en science politique à l’UQAM, j’ai travaillé un an à l’Unesco à Paris au développement des pays du tiers-monde grâce à l’information. Dans ces vieilles organisations gangrenées, tout est compliqué et très politique. Ça n’avançait pas assez vite pour moi. Quand je suis revenu, j’ai voulu aller en journalisme. J’ai passé une entrevue, puis tout a déboulé.
Pat Je ne viens pas d’un monde d’idées. J’ai été le premier de ma famille à aller à l’université. Mes parents se sont séparés quand j’avais quatre ans. Mon père était arpenteur pour la Ville de Laval. Il est mort en 2000. Ma mère en 2004, à 54 ans. Elle souffrait de la maladie de Crohn, ne pouvait pas travailler et comptait sur une rente pour vivre. En un mois, je gagne plus que ce qu’elle recevait en un an. Si elle avait géré mon salaire, elle aurait pu acheter un petit pays en Afrique parce qu’elle faisait des miracles avec 14 000 $ par année. Oui, je gagne très bien ma vie, et non, je ne me sens pas bien. Il m’arrive de regarder les montants – on se comprend, c’est pas un million par année – et, pour quelqu’un qui arrive d’où je viens, c’est beaucoup.
En conclusion, j’ai demandé à chacun la question qu’il aimerait poser à l’autre.
J-P Pat, qu’aimerais-tu faire quand tu seras grand ?
Pat Ça. Exactement ce que je fais maintenant. Si jamais l’émission est un four – je ne pense pas que ça va arriver –, si je n’ai pas de show de télé l’an prochain, j’aimerais continuer à écrire, c’est sûr. Quand j’étais petit, c’était ce que je voulais faire comme métier, des chroniques dans un journal, et ce journal était La Presse. La télé, c’est arrivé, j’ai eu de la chance que ça fonctionne. À moi, maintenant, J-P. Le sais-tu que tu vas être une star ? Un jour, je vais passer pour un génie parce qu’on t’aura eu au bon moment !
J-P À cette question que je trouve délicieuse et adorable, je réponds ceci : ben non, je deviendrai pas une star, Pat. Mais bon, si tu as raison, je t’en devrai une…
Le grain de sel de Marie-France Bazzo,
notre rédactrice en chef invitée
« Version 2.0 des Francs-tireurs ? On peut les accuser d’avoir brûlé le mot irrévérencieux pour les 12 prochains mois ! Bien hâte de les suivre. »
Puisqu’ils sont deux hommes en or, nous avons photographié Patrick Lagacé et Jean-Philippe Wauthier à l’abri dans la chambre forte de l’ancien siège social québécois de la Banque CIBC. Devenu le Théâtre St-James, ce bâtiment prestigieux accueille aujourd’hui expositions, concerts, conférences… et vedettes de la rentrée culturelle.
Consultez notre galerie photo de la rentrée télé 2013.
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