Un famélique 5 %. C’est le taux de succès des régimes censés faire perdre du poids. Pourtant, des millions de gens se gâchent la vie (et parfois la santé) à passer d’une restriction à une autre, à essayer encore et encore… La seule vraie solution : écouter son corps, l’écouter vraiment. Devenir ce que la nutritionniste Guylaine Guevremont appelle un mangeur intuitif. Avec la journaliste Marie-Claude Lortie, elle publie Kilos Zen (Les Éditions La Presse), qui approfondit la thèse déjà abordée en 2006 dans Mangez ! (également aux Éditions La Presse).
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Qu’est-ce qu’un mangeur intuitif ?
C’est une personne qui perçoit et interprète correctement les signaux de faim et de satiété émis par son corps. Et qui y obéit, ce qui permet de lui donner ce dont il a besoin quand il en a besoin et de maintenir le poids que la nature a prévu pour elle. Un mangeur libre fonctionne en partenariat avec sa carcasse : il avale ce dont il a envie quand il a faim et s’arrête quand il est repu.
Perdre du poids en mangeant ce dont on a envie. Ça semble trop beau pour être vrai…
La recherche l’a démontré : quand on écoute les signaux que le corps nous envoie, il revient lui-même à son poids naturel. Il n’a aucun intérêt à accumuler des kilos superflus. S’il le fait, c’est qu’il a peur. Ce qu’on appelle un régime, il l’interprète comme une famine. Et il réagit en conséquence : en réduisant sa consommation calorique, en emmagasinant des provisions. Toute l’humanité est issue d’ancêtres capables de stocker. Parce que les autres n’ont pas survécu. Plus on suit de régimes, plus le corps stocke avec efficacité. La seule façon de briser ce cycle, c’est de lui faire comprendre qu’il ne subira plus jamais de privations. Et de l’écouter. Alors, seulement, il laissera aller les réserves…
Ces signaux sont-ils fiables ?
Tous les animaux, y compris l’être humain, viennent au monde avec l’instinct de s’alimenter selon leurs besoins. Mais, contrairement aux autres espèces, nous perdons cette faculté. Elle est bousillée par l’éducation – « Finis ton assiette, sinon pas de dessert », « Pense aux petits Africains », « Tu ne devrais pas avoir faim maintenant, ce n’est pas l’heure » – et par les régimes, qui interdisent de l’écouter. Alors on annihile sa capacité de percevoir les alertes et de bien les interpréter. Papillons dans l’estomac, intestins noués, boule dans la gorge : beaucoup d’émotions se vivent dans le système digestif. Il devient difficile de les distinguer de la faim physiologique. Sans compter que chaque régime arrive avec son lot d’interdits et de culpabilité. Mais l’ennemi n’est pas dans le frigo ou le garde-manger. C’est notre comportement. Et nos émotions.
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Il y a donc un vrai lien entre émotions et nourriture ?
Oui, et il se crée dès la naissance. Pour le nourrisson, l’allaitement vient satisfaire à la fois ses besoins physiologiques et affectifs. Il est donc naturel de penser que la nourriture apaise les émotions, et elle peut devenir une façon de les anesthésier, tout comme le jeu, l’alcool, le travail, les drogues… On ne sait plus gérer ses émotions, alors on les gèle par la nourriture. On les mange.
Ce n’est pas nouveau, cette idée. Même qu’on la tourne souvent en dérision… Et c’est bien dommage ! Les émotions sont les messagères de besoins non comblés. Si on les gèle pour ne pas avoir mal, on ne pourra jamais trouver le problème, encore moins le régler. Ignorer le messager n’élimine pas le message.
Les gens qui mangent trop ou mal ne comprennent pas que besoin insatisfait = émotion, et qu’émotion niée = consommation accrue et prise de poids. Si on ne s’occupe pas de ses besoins, le corps va s’en occuper, en mangeant plus. La seule vraie solution est de reconnaître le besoin et de le satisfaire. Alors seulement l’émotion disparaît, et le besoin de manger aussi.
Plus facile à dire qu’à faire…
C’est vrai. Mais un régime de restrictions, c’est difficile aussi. Vivre avec une obsession de la nourriture et une image corporelle insatisfaisante. S’endormir en se sentant coupable. Passer sa vie à essayer de manger moins et de bouger plus. Bref, tout ramener à la notion de contrôle. La seule chose qui peut arriver dans ce cas, c’est de le perdre. Il manque la notion de plaisir, d’intuition, de se nourrir des choses dont on a envie. Et en plus, ça ne fonctionne pas.
Alors pourquoi ne pas plutôt s’investir dans un processus qui permette de régler le problème une fois pour toutes ? Avec un objectif clair, mesurable, honnête : éliminer les compulsions, reconnaître les signaux de faim et de satiété et les écouter. Pour nous aider, plusieurs outils possibles : la méditation, l’hypnothérapie, le sport, le yoga, ou encore des techniques plus récentes, comme l’EMDR (mouvements oculaires) ou le tapping [NDLR : forme d’acupuncture pour les émotions ou acupuncture psychologique mais sans aiguilles].
Il ne faut jamais s’empêcher de manger. Il faut plutôt chercher à déconstruire le lien d’apaisement émotionnel entre la nourriture et le stress, pour en bâtir d’autres, plus appropriés.
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Comment devenir une mangeuse intuitive
Première étape
Convaincre le corps qu’il ne vivra plus jamais de famine.
Méthode. Manger toutes les trois heures, soit trois repas entrecoupés de trois collations par jour (deux semaines).
Deuxième étape
Rebâtir une relation saine avec l’aliment interdit. En choisir un (les dattes, par exemple) et en manger le plus souvent possible. Le corps apprend par expérience. La première fois, je vais peut-être passer à travers la boîte de dattes. Pas grave. Je vais en remanger ce midi ou ce soir. L’idée, c’est d’aller jusqu’au point où l’on mange la première bouchée et que le corps ne veut plus continuer. L’exercice est alors terminé.
Je n’aurais jamais pensé que mon corps n’aurait plus envie de dattes ! Cette technique permet d’apprendre à la fois à aimer la nourriture et à s’en détacher.
Méthode. Dresser la liste des aliments qu’on s’interdit. Choisir celui qui induit le moins de culpabilité et en manger à tous les repas, chaque fois jusqu’au moment où le corps (et non la tête) envoie le signal qu’il en a assez mangé (deux semaines).
Troisième étape
Apprendre à manger en pleine conscience.
Méthode. Ralentir. Porter attention aux signaux de faim et de satiété. Expérimenter la méthode dite des huit faims : celle des yeux, du nez, des oreilles, de la bouche, de l’estomac, des cellules, du cœur et de la tête (deux semaines).
Ensuite, le plus important, apprendre à écouter les émotions qui montent et à en tenir compte. Avec une aide professionnelle, si nécessaire.
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Kilos zen, les Éditions La Presse, 26,95 $
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