Les hostilités ont commencé au petit matin, à Alep, pendant le ramadan. L’été 2012 tirait à sa fin. « Partout on entendait des cris, relate Jihane en arabe. On ne pensait jamais que les conflits nous atteindraient. Jusque-là, on menait une belle vie. » Avec son époux et leurs trois fils, elle a trouvé refuge dans la maison de campagne familiale à Al-Bab, « le temps que ça se calme ». Ils ont attendu une semaine, un mois, deux mois. À regret, son mari et elle ont dû abandonner leur emploi de fonctionnaire.
Le moment décisif
Les affrontements se sont propagés, poussant la famille à s’exiler en Turquie. « On est partis avant que ça ne dégénère », dit-elle. C’était la première fois que Jihane quittait son pays. « J’étais sûre que j’allais rentrer bientôt ! » Quatre ans ont passé. Son mari a trouvé du travail. Ses enfants ont fréquenté l’école syrienne gérée par le gouvernement turc. Mais leurs économies s’épuisaient. Ali, le fils aîné, étant suivi par le Croissant-Rouge pour un problème auditif, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a accéléré les formalités pour que la famille puisse s’établir au Canada.
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Le grand départ
Le 6 février 2016, les Loulak montaient à bord d’un avion nolisé par le gouvernement canadien pour le transport des réfugiés syriens. « On se sentait à la fois tristes et soulagés, on pensait à l’avenir de nos enfants », dit Jihane. Tard en soirée, l’avion se posait enfin, dans un paysage de neige comme elle n’en avait jamais vu. « Il faisait froid, on était crevés, mais l’accueil chaleureux nous a réconfortés. » Le lendemain, ils prenaient la direction de Joliette. Une agente d’intégration et une interprète du Comité régional d’éducation pour le développement international de Lanaudière (CRÉDIL) étaient déjà sur place à la gare d’autocars pour les recevoir.
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L’intégration
Dans le logis de la famille Loulak, tout est blanc comme ce premier hiver qu’elle a traversé ici. Il lui a semblé long, malgré la sollicitude des membres du CRÉDIL et de la communauté joliettaine pour faciliter l’installation des nouveaux arrivants – accompagnement à l’épicerie, à la banque, au Centre local d’emploi, à la mosquée, aux cours de taekwondo, à la glissade… Les parents Loulak ont aussi eu droit à une douzaine de séances d’information sur leur pays d’adoption, allant de l’économie nationale aux rapports hommes-femmes en passant par l’éducation des enfants.
Depuis avril, Jihane s’initie à la langue et à la culture d’ici. « C’est difficile, avoue-t-elle. On repart de zéro. » N’empêche, elle apprend vite !
Elle trouve les Québécois bienveillants. Elle n’a plus peur pour ses enfants. « Ils vont et viennent en toute sécurité et se débrouillent en français. Ils pensent à la Syrie, mais ils sont bien ici. »
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La ville de Joliette a accueilli 29 réfugiés syriens pris en charge par l’État.
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