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Édith Cochrane : « Depuis que j’ai la responsabilité de m’occuper de mes enfants, j’ai l’impression de n’avoir plus le droit de mourir »

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Photo: Denis Beaumont/La Presse Canadienne

Photo: Denis Beaumont/La Presse Canadienne

Entre l’idée que vous vous faisiez de la maternité et la réalité, il y a combien d’années lumières?

Édith Cochrane : Dans l’absolu, je savais que ce serait exigeant. Mais à ce point !?! Avant d’accoucher, j’imaginais une bulle confortable, une sorte d’idylle amoureuse avec mon bébé, faite de tendresse et de petits pyjamas qui sentent bon. Sauf que mon premier garçon, qui aura bientôt 8 ans, pleurait tout le temps. Nuit et jour. Et je ne comprenais pas ce qu’il avait. On a découvert plus tard qu’il souffrait d’allergies alimentaires. Moi qui étais pourtant au sommet de ma forme, ça m’a rentré dedans, cette attention de tous les instants. J’ai eu tout un choc en réalisant que ce serait sans fin, cette histoire! Quand on a une période de pointe au travail, on se réconforte en songeant aux congés à venir. Mais un enfant, c’est sans arrêt. Sans arrêt. Même si tu as terminé ta journée de travail à 1h du matin la veille, il faut quand même te lever à 6h pour faire des lunchs. Lorsque j’ai eu mon deuxième fils, les gens me disaient que serait plus facile… C’est FAUX! Ça ne fait que multiplier les soucis! [Rires] Ceci dit, on s’est demandé si on en referait un troisième, dernièrement. On a renoncé… Pour notre santé mentale!

Qu’est-ce qui vous énervait chez les autres mères, et que vous reproduisez aujourd’hui à votre tour?

Édith Cochrane : Je trouvais donc que les petits gars étaient mal élevés… Sauf que les miens aussi sont tannants, même si je les éduque avec une certaine sévérité. Pour moi, il y a des affaires qui ne se font pas, je tiens aux règles de bienséance. Mais ils grouillent tout le temps et grimpent partout. Avant, il m’arrivait aussi de trouver que les enfants des autres étaient mal habillés. Maintenant, mon plus grand s’habille tout seul, et puis, bon… Disons que je choisis mes batailles! On ne peut pas tout contrôler. Ceci dit, je trouve qu’il y a moins de conventions et d’attentes qu’avant. Les voix comme celles de Fanny Britt contribuent à déculpabiliser les mères.

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Qu’avez-vous appris à votre propos depuis la naissance de vos petits?

Édith Cochrane : Ça éveille des dualités. De grandes forces, mais aussi de grandes faiblesses. Par exemple, j’ai découvert ma capacité à gérer des urgences avec calme et sang-froid. Ça a renforcé ma confiance en moi et en la vie. Je n’en reviens pas d’avoir fabriqué des humains avec tous leurs morceaux, en bonne santé, que j’éduque dans l’espoir d’en faire des hommes incroyables… D’un autre côté, la maternité a éveillé une sorte d’inquiétude permanente. Une véritable inquiétude, je veux dire. Pas d’être chicotée en me demandant si j’ai réussi ou non tel examen… Quand mon aîné a fait un choc anaphylactique en mangeant des œufs, le danger de la mort est devenu bien réel. Je n’y songeais jamais avant – je ne portais même pas de casque à vélo. Mais depuis que j’ai la responsabilité de m’occuper de mes gars, j’ai l’impression de n’avoir plus le droit de mourir. J’apprends à vivre avec la pointe d’inquiétude qui me chatouille chaque fois que je me sépare d’eux. Aussi, ma patience n’avait jamais autant été mise à l’épreuve… Et j’ai appris qu’elle n’était pas sans limite! Des fois, quand l’un crie pendant que l’autre cogne par terre, qu’ils renversent leur verre de jus pendant que je suis occupée à faire le souper, et puis qu’ils se chicanent, je n’en peux plus. Vraiment.

Vous formez une famille recomposée avec votre conjoint et le père de vos enfants, le comédien Emmanuel Bilodeau, puisqu’il avait une fille d’une union précédente. Est-ce que ça ajoute une couche de défis?

Édith Cochrane : Franchement, ça se passe de la plus belle façon qui soit. La mère de la fille d’Emmanuel fait partie de notre vie – elle soupe régulièrement à la maison et garde nos garçons quand on est mal pris. Avoir cette dynamique, ça change tout. Et puis, Emmanuel est un père extraordinaire, présent et aimant. C’est d’ailleurs en misant là-dessus qu’il m’a charmée… Il me disait : « Oui, tu pourrais sortir avec un gars de ton âge [Emmanuel a 13 ans de plus qu’Édith]. Oui, j’ai plein de défauts. Mais il y a un terrain où j’ai fait mes preuves : je suis un excellent père. » C’était très vendeur! Emmanuel, c’est le médecin, l’herboriste, le cuisinier de la famille… Il est très mère poule. Moi, je suis l’organisatrice en chef – j’inscris les enfants aux activités, je planifie les sorties, je veille à ce que personne ne manque de vêtements.

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Entretenez-vous des relations bien différentes avec chacun de vos fils?

Édith Cochrane : C’est une bonne question. Quand je suis tombée enceinte de mon deuxième, j’avais parfois du chagrin en songeant secrètement que je ne pourrais jamais l’aimer autant que mon premier : «  C’est impossible. C’est dommage pour lui, mais c’est la fatalité, il a eu la malchance d’arriver en deuxième, et j’avais moins d’amour à donner. Il va me falloir apprendre à vivre avec ça, sans que ça paraisse… » Ça ne s’est pas passé de cette manière, évidemment. Emmanuel est le dernier d’une fratrie de 12, et sa mère l’aimait autant que les 11 autres! Ce qui est vrai, par contre – et c’est un peu tabou de l’admettre, car on ne voudrait jamais faire de favoritisme –, c’est que la nature de nos relations diffère en fonction de la personnalité de chacun. Comme avec n’importe quel autre être humain, quoi. Mes fils sont très différents, et ils n’activent pas les mêmes choses en moi. Tantôt j’ai plus d’affinités avec l’un, tantôt avec l’autre.

Vous êtes la marraine du volet québécois de la campagne de la fondation One Drop #PlusDePremières. En quoi consiste ce projet?

Édith Cochrane : Je dis non avec joie à bien des trucs qu’on me propose, histoire d’alléger ma vie, mais ce rôle d’ambassadrice, je ne pouvais tout simplement pas le refuser. Comme mère, ça venait appuyer sur mon point le plus faible, là où je suis sans armure! One Drop amasse des fonds en ce moment pour construire des puits dans des régions du monde où la population n’a pas accès à de l’eau potable. Ça fait en sorte que des milliers de mères voient mourir leur enfant en bas âge. Ça m’a pris deux secondes pour me mettre dans leur peau… Donner de l’eau insalubre à ton petit faute de mieux, sachant que ça va peut-être le tuer, c’est un cauchemar. Ainsi, la campagne de One Drop s’appelle #PlusDePremières pour nous faire réaliser que si on ne leur vient pas en aide, de nombreuses mères n’auront jamais le bonheur de vivre des expériences pour la première fois avec leur enfant – le premier bain, le premier gâteau, la première promenade en bicyclette… Pour participer, c’est simple : on publie sur les réseaux sociaux des photos des premières avec son bébé, en encourageant les autres à nous imiter, et à faire un don à la fondation.

Justement, quelles ont été les premières fois mémorables avec vos fils?

Édith Cochrane : Je repense souvent à la première fois où j’ai présenté mon second fils à mon aîné, à l’hôpital. Ça m’a beaucoup émue. « Voici celui qui est ton frère, il fera toujours partie de ta vie ». Les premiers pas sont aussi émouvants – je m’en souviens précisément dans les deux cas. C’est un moment suspendu où on cesse de tenir son enfant, et puis hop, il s’en va tout seul… Dans la symbolique, c’est un grand moment de liberté et d’autonomie, le début de la découverte du monde.

 

 

 

 

 

 

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