«Je veux être riche. Riche à craquer. » Il est 9 h 45 un matin de semaine, dans une rue industrielle d’Outremont. La fondatrice, PDG, unique actionnaire et image de marque de Bijoux Caroline Néron inc. est assise dans son vaste bureau, vêtue d’une robe longue sans manches, au décolleté plongeant. Et très parée, bien sûr, de colliers, bracelets, boucles d’oreilles et bagues. « Mes bébés », dira cette maman d’une fillette de cinq ans.
On se rappellera peut-être que l’actrice célébrée pour sa beauté – notamment dans L’âge des ténèbres, de Denys Arcand – s’est un jour improvisée chanteuse. Elle a perdu 50 000 $ dans l’aventure, versé plusieurs larmes et gagné en maturité. Une autre improvisation (se lancer dans la bijouterie sur sa table de cuisine) s’est avérée plus concluante. Caroline Néron orchestre d’une main baguée le travail de 200 personnes et gère un budget qui frise les 20 millions. Deux semaines après notre entretien, elle convolait avec son amoureux, Réal Bouclin, magnat de résidences pour personnes âgées, « une méga business avec 3 000 employés, un homme que j’admire beaucoup ».
Pourquoi parler d’argent est-il tabou? Une chronique à lire ici.
Quel rapport entretenez-vous avec l’argent ? Un rapport très sain. La richesse n’est pas pour moi synonyme d’activités louches. Il y a des gens croches chez les riches, mais chez les pauvres aussi… Parler d’argent a toujours fait partie de ma vie. Je viens d’une famille d’entrepreneurs. Au souper, mon père racontait son travail et ses négociations. Nous étions à l’aise et il y avait dans notre rue des familles bien plus fortunées. J’ai donc grandi dans un environnement où avoir de l’argent était normal et où en avoir beaucoup était un rêve accessible.
Très tôt, vous avez voulu avoir de l’argent, votre argent. On vivait près d’un golf et, à huit ans, je ramassais les balles perdues pour les revendre. À 17 ans, quand j’ai commencé à faire des publicités, je gagnais 25 000 $ par année. J’ai acheté mon premier appartement à 23 ans. J’ai toujours voulu avoir de l’argent, pour la liberté que cela apporte. D’un point de vue créatif, je m’éclate beaucoup plus aujourd’hui qu’à l’époque où j’étais à la merci de producteurs. Quand j’ai lancé mon affaire, je me suis dit : « Je vais devenir riche et tout ce que je vais vouloir produire, je vais le faire. »
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Vous vous êtes vraiment dit : « Je veux devenir riche » ? Carrément. Chiffre d’affaires de 100 millions dans quatre ans. Et, pourquoi pas, un milliard plus tard. J’adore le mot « riche ». Mais je comprends l’aspect négatif de la chose : on ne veut pas se perdre là-dedans, on doit garder l’essentiel, et c’est ce que j’ai su faire. L’argent me permet de donner. En trois ans, la vente d’un bijou (en association avec le magazine Clin d’œil) a rapporté un million de dollars qui subventionnent deux programmes de recherche sur le cancer du sein. Je ne peux pas demander mieux.
Racontez-moi les prémisses de votre nouvelle carrière. Magasiner, pour moi, c’est mieux qu’une thérapie. Alors, me lancer dans la vente au détail a été quasiment normal. L’idée m’était venue pendant un voyage à Las Vegas, en 2004. Au début, je ne savais pas comment fabriquer mes bijoux. J’ai eu l’aide d’une designer. On a fabriqué 30 colliers dans ma cuisine, j’ai trouvé un kiosque dans un centre commercial (Les Ailes de la Mode). Je n’avais pas de plan d’affaires.
Qui y croyait ? Une seule personne : moi. Je n’ai pas eu de mentor. J’ai écouté les gens d’affaires, j’ai posé des questions. C’est comme ça que j’ai appris. J’ai fait mon propre chemin.
Mais comment et pourquoi y croyiez-vous tant ? Parce que je le voulais. Si on veut quelque chose dans la vie, il faut le dire. Ça fait que les gestes qu’on va accomplir nous mèneront dans telle direction.
L’image que vous dégagez, celle d’une femme belle, sexy, est-elle un atout ou un handicap en affaires ? Un peu des deux. C’est plus difficile quand je rencontre des femmes. Elles sont plus « toffes » avec moi. Avec les hommes, je ne joue pas la charmeuse, ce n’est pas une façon de gagner le respect.
Vous dites votre âge ? Oui, 42. Je me suis juré de ne pas vieillir en femme frustrée. D’où l’indépendance financière. Être en mode attente, ça insécurise. Moi, j’avance, je crée, je n’arrête jamais.
Pour vous gâter, vous faites quoi ? Mon vrai moment de luxe, de plaisir, c’est de recevoir des amis sur notre bateau sur les rives d’un lac à Laval. Bonne bouffe, bons vins.
Un conseil aux lectrices par rapport au risque ? N’ayez pas peur d’être heureuses. Osez. Si vous n’êtes pas bien dans votre couple, dans votre travail, cassez la routine. C’est sûr que quelque chose de bon va sortir de ça. Un truc aussi : se débarrasser des choses qu’on n’aime pas faire. Ainsi, je ne cuisine pas, je n’ai jamais appris et je n’aime pas ça. Ma tante me prépare des repas pour la semaine. Ça ne coûte pas cher, ça lui donne un peu d’argent et tout le monde est content. Le temps et l’énergie que je ne mets pas dans la cuisine, je les investis ailleurs. Auprès de ma fille, par exemple.
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